Résumé :
Les termes maligait, piqujait et tirigusuusiit font référence aux règles auxquelles il fallait obéir, à ce qu’il fallait faire ou ne pas faire dans la culture inuit. De nos jours, on utilise souvent ces mots comme synonymes des notions occidentales modernes de droit et de justice, ce qui permet aux Inuit de mieux comprendre ces dernières. Dans leur Glossaire juridique, Desmond Brice-Bennet et Michèle Therrien (1997 : p. 252) déclarent : « Une terminologie nouvelle est intéressante dans la mesure où elle utilise "d’anciens" matériels pour exprimer des concepts et des expériences actuels. » Les concepts occidentaux tout comme les notions inuit ne sont plus exactement les mêmes après qu’on les ait traduits : les concepts occidentaux acquièrent de nouvelles connotations et des sens nouveaux associés aux anciens mots qui ne sont pas toujours suffisamment reconnus par les Occidentaux, et les anciens concepts deviennent imprégnés de sens nouveaux liés aux concepts occidentaux de droit et de justice. L’emploi de ces traductions a donc tendance à obscurcir le fait que les maligait, les piqujait et les tirigusuusiit d’un côté, et des notions telles que le droit et la justice de l’autre, dérivent en fait de perspectives culturelles totalement différentes.
Frédéric Laugrand, Jarich Oosten, Wim Rasing.
Citation :
Mariano Aupilaarjuk
C’est uniquement parce que ma mère et mon père ont traversé plusieurs périodes difficiles que nous avons survécu. La seule raison pour laquelle ils ont survécu, c’est parce qu’ils ont obéi aux maligait des Inuit. S’ils n’avaient pas suivi les maligait, nos vies auraient été plus difficiles. Aujourd’hui, on nous dit que les Inuit n’ont jamais eu de lois ou de maligait. Pourquoi? Ils disent : « Parce que ce n’est pas écrit sur du papier. » Quand je pense au papier, je pense que c’est quelque chose qu’on peut déchirer et alors, les lois disparaissent. Les maligait des Inuit ne sont pas écrites sur du papier. Elles sont dans la tête des gens et elles ne vont pas disparaître ni être déchirées en mille morceaux. Même quand une personne meurt, les maligait ne disparaissent pas. Elles font partie de la personne. C’est ce qui rend les gens forts. Quand les Inuit avaient l’habitude de ataaq-, de quitter l’intérieur des terres pour aller sur la côte, ou quand ils cherchaient du gibier, ils le faisaient en observant les maligait. (Pages 15-16)