Résumé :
Suite à l’entrée des États-unis dans la Deuxième guerre mondiale, les stratèges américains ont tout de suite reconnu l’importance militaire de l’Arctique. Dans les années 1940 déjà, des constructions de bases météorologiques furent entamées. À peine quelques années plus tard, les populations autochtones devinrent minoritaires, envahies par des milliers de travailleurs et personnel militaire américains parsemés de l’Alaska au Groenland. Le déploiement d’installations militaires en Arctique changea l’aspect du territoire comme jamais auparavant. Toutes les bases militaires devaient être rattachées à des réseaux de télécommunications efficaces et desservies par des systèmes de transport adéquat, qu’ils soient marins, aériens et – si possible – terrestres.
Plusieurs villes du Nord, tel que Kuujjuak, Iqaluit et Hall Beach, doivent leur existence à la présence de bases militaires américaines. La Guerre froide, ainsi que la construction du « Distant Early Warning (DEW) Line » dans les années 1950, ont contribué à la transformation de l’habitat nordique, ainsi qu’à l’ouverture progressive du microcosme inuit aux influences parfois bonnes et parfois moins bonnes du reste du monde.
Citation :
Tomassie Naglingniq
Ce que je vais vous raconter a eu lieu avant 1944, lorsque nous étions encore ici en 1941, lorsque nous habitions ce qui est devenu le parc national à Qaummarviit. Mes grands-parents ont vu deux navires qui appartenaient aux Américains. Ils ont pagayé jusqu’aux navires. Ceux-ci étaient gros. En dialecte de Pangniqtuuq, on appelle « alliraq » ces navires qui peuvent contenir beaucoup de gens. Tous les membres de notre famille ont décidé d’y aller pour voir. Nous avions deux bateaux pour toute la famille. Lorsque nous sommes arrivés près des navires, les Américains sont venus nous voir en petit bateau à moteur; il y avait deux bateaux. Lorsqu’ils se sont approchés, nous avons vu qu’ils étaient des qallunaat qui portaient des gilets de sauvetage rouges. Ils ont mis quelque chose sur le dessus de leur bateau et tout le monde a eu peur parce que nous n’avions jamais vu une telle chose. Nous pensions que c’était un canon. Les membres de ma famille pensaient que les Américains allaient faire feu sur nous, alors ils ont commencé à pleurer. Tigullagaq, mon grand-père, a décidé de faire quelque chose. Il avait un drapeau de la HBC, qu’il avait obtenu à Iqalugaarjuk, qui se trouve à 60 milles d’Iqaluit. Il a demandé à quelqu’un d’attacher le drapeau à l’extrémité d’un aviron. Lorsque les Américains l’ont vu, ils se sont aperçus que nous étions canadiens. À l’intérieur de la chose qu’ils avaient placée sur le dessus de leur bateau, ce qui ressemblait à un canon, il y avait de la corde. Ils ont lancé la corde vers notre bateau. Elle était tellement longue que son extrémité est tombée derrière nous. C’était pour remorquer notre bateau. Le bateau de mon grand-père n’avait pas de moteur et quand ils ont commencé à nous remorquer, il semblait que le bateau allait si vite qu’il faisait un bruit de sifflet. Peut-être que je trouvais que nous allions vite parce que j’étais si jeune. Quand j’y repense, nous allions lentement. Parfois, je me rappelle ce jour-là et le bruit que faisait leur bateau. C’était différent du bruit des moteurs diesel actuels. Le moteur faisait « tuk tuk tuk tuk tuk ».
Lorsque nous étions remorqués à Mialigaqtaliminiq, nous avons vu deux grands navires. Ils étaient en bois, et non en métal. Il y avait beaucoup d’Américains. Il y en avait un qui parlait inuktitut; il l’avait appris au Labrador. Il se servait d’un porte-voix pour parler.
Réminiscence des Inuit de la présence militaire à Iqaluit, chapitre 2.